Depuis des années, je vois l’arthrose gagner mes mains. Sentant venir de grandes difficultés et voulant tout de même continuer à jouer la flûte ténor, j’ai cherché un instrument qui limiterait les efforts sur les doigts.
Les flûtes à clés multiples sont à la fois rares et très onéreuses. Le coût était donc un élément important. Jouant une Mollenhauer Denner alto dont je suis très satisfait, j’ai fait le pari que la Ténor Comfort à quatre clés serait de la même qualité. Or la version en poirier est par chance une des moins chères de sa catégorie.
Elle est présentée dans un beau coffret doublé de velours. Le bois est un poirier huilé un peu sombre et relativement dur, absolument sans défaut. L’embouchure est à canal courbé. Le corps de la flûte comporte deux clés d’Ut/Ut#, une clé de fa et une clé de sol, toutes en bronze brillant façon ancien, ni trop souples ni trop dures, et d’un fonctionnement impeccable. Sous le corps, un peu en avant du trou de Fa se trouve un support de pouce réglable, avec un trou pour une courroie de cou livrée avec la flûte. On trouve aussi de la graisse à liège, une tige d’écouvillon en bambou avec sa pièce de chamois, un livret d’entretien et une table de doigtés.
La prise en main est étonnante. Passé le premier moment de surprise au toucher des clés, et l’appui de pouce correctement réglé avec un petit tourne-vis de précision, on a l’impression de jouer d’une flûte alto, en plus lourd et encombrant toutefois ! La courroie de cou est surtout utile pour empêcher la chute de mains devenues maladroites. La flûte demande peu de souffle, avec un trou d’octaviement bien placé et facile à régler. Elle monte aisément dans l’aigu sans forcer.
On pourrait craindre que toutes ces clés ne modifient le son, mais il n’en est rien, et l’instrument conserve une belle vélocité. Les attaques sont franches, la tessiture très bien égalisées, y compris de sol grave et le fa deuxième registre, les notes bien justes. Les aigus sont fins et ronds, le médium profond et sonore sans agressivité. La puissance est moins élevée que sur certaines autres flûtes, comme la Rottenburgh de Moeck ou la Superio de Kung, mais l’équilibre général est à mon sens meilleur. L’expressivité permet sans difficulté un jeu tout en nuances.
On retrouve les même qualités que celle de l’alto et de la soprano, unanimement appréciées chez nos voisins d’outre-Rhin. La version en buis doit probablement gagner en brillance, mais est-ce bien le son recherché sur une flûte ténor ? Question de goût et de répertoire, en tous cas dans Boismortier ou Telemann, cette flûte est parfaite.
Je n’ai pas parlé du problème de tenue à l’humidité (« clogging »), car la flûte que j’ai reçue présentait une sensibilité tout à fait anormale dans ce domaine. Aucune de mes Mollenhauer n’a eu ce problème. Thomann a été parfait, et s’est chargé gracieusement, frais d’envoi compris, de la faire réviser dans le cadre de la garantie.
Conclusion
En choisissant une flûte à vocation baroque affirmée, en poirier et avec des clés, je pouvais avoir quelques craintes quant à la qualité du son. Je suis ravi de dire combien j’ai été agréablement surpris. Certes on perd un peu en souplesse de jeu, un mécanisme ne valant jamais la sensibilité d’un doigt. Mais lorsque l'on a du mal à atteindre les trous, la cléterie devient un mal nécessaire. Quand elle se fait aussi discrète, cela est bien plaisant. De surcroît, cette flûte est la moins onéreuse de toutes celles à quatre clés dans cette catégorie. Ce fâcheux problème de bouchon me prive d’un instrument dont je n’ai fait que survoler les possibilités. Vivement qu’il me revienne en pleine forme !
Les « Pour » :
Belle sonorité et justesse,
Excellente ergonomie,
Bel instrument, bien présenté,
Prix très raisonnable,
Les « moins pour » :
Sonorité moins puissante que ses concurrentes,
La cléterie nécessite un montage / démontage soigneux de l’instrument,